L'immigration flamande en Wallonie est un phénomène marquant de l'histoire sociale et économique belge, bien que souvent éclipsé par d'autres flux migratoires plus récents ou plus médiatisés. Pourtant, des centaines de milliers de Flamands ont quitté leur région natale pour s'installer au sud du pays, contribuant à façonner la société wallonne moderne.
Aux origines de l'exode flamand
La première grande vague d'immigration flamande en Wallonie remonte aux années 1845-1850. Cette migration s'explique par une profonde crise économique frappant les Flandres : le déclin de l'industrie linière, concurrencée par la mécanisation anglaise et exclue du marché français, prive d'emploi une grande partie de la population. La situation est aggravée par une crise agricole majeure, notamment la maladie de la pomme de terre en 1845, suivie de mauvaises récoltes de céréales et d'épidémies de typhus et de choléra. Le paupérisme et la famine poussent alors de nombreux Flamands à chercher du travail ailleurs, particulièrement en Wallonie où l'industrialisation offre de nouvelles perspectives.
Un phénomène visible et parfois stigmatisé
Contrairement aux migrations discrètes précédentes, cette vague prend l’allure d’une “invasion” dans certains quartiers ouvriers du Hainaut et de Liège, selon les observateurs de l'époque. Les Flamands arrivent souvent en famille ou en groupes, travaillant comme ouvriers dans les mines, manœuvres dans l'industrie, saisonniers agricoles ou terrassiers sur les grands chantiers. Leur arrivée suscite des réactions contrastées : si certains soulignent leur misère et les difficultés d'intégration, d'autres notent l'accueil chaleureux et les opportunités offertes par la Wallonie.
Intégration et héritage
Au fil des décennies, de nombreux migrants flamands s'installent durablement en Wallonie, fondant des familles et s'intégrant progressivement à la société locale. L'Église et le mouvement flamand jouent parfois un rôle mobilisateur, mais l'assimilation est majoritairement réussie, comme en témoignent de nombreux descendants aujourd'hui. Les migrants flamands ont laissé leur empreinte sur la culture populaire, la vie associative et même l'urbanisme de certaines villes wallonnes.
Une migration oubliée ?
Malgré son importance, le flux migratoire flamand vers la Wallonie reste peu évoqué dans les manuels d'histoire. Pourtant, il a profondément marqué la démographie et la structure sociale de la région, tout en illustrant la complexité des identités belges et la mobilité interne du pays.
Sources
- Quairiaux, Yves. « Les “Flaminds” avant 1914 en Wallonie. Du dénigrement à l'assimilation ». L'image de l'autre dans l'Europe du Nord-Ouest à travers l'histoire, édité par Jean-Pierre Jessenne, Publications de l'Institut de recherches historiques du Septentrion, 1996, https://doi.org/10.4000/books.irhis.1543.
- Poulain, Michel et Foulon, Michel. « L'immigration flamande en Wallonie : évaluation à l'aide d'un indicateur anthroponymique ». Département de démographie - Université Catholique de Louvain.
- Hanse, Gwennaëlle. L'émigration flamande en Wallonie : Comment comprendre la situation actuelle et envisager l'avenir? Analyse historique et sociale. Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université catholique de Louvain, 2020. Prom. : Standaert, Olivier. http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:26167
- Martiniello, Marco et Rea, Andrea. « Une brève histoire de l'immigration en Belgique ». Fédération Wallonie Bruxelles, 2024. https://www.cedem.uliege.be/cms/c_11976180/fr/une-breve-histoire-de-l-immigration-en-belgique
- Defosse, Pol. « Les flux migratoires en Belgique (XIXe et XXe siècles) ». La Ligue de l'Enseignement et de l'Éducation permanente, 2019. https://ligue-enseignement.be/education-enseignement/publications/etudes/les-flux-migratoires-en-belgique-xixe-et-xxe-siecles
Crédit image : daniel0Z/imageBROKER, "Flags of Flanders and Wallonia painted on cracked wall", Adobe Stock